Lorsque l’arbre devient meuble !
Cela commence à l’époque ou tout gamin, à la découverte de nos forêts, peuple des arbres, parfums et senteurs, la magie des Lutins. À force de côtoyer ces hommes d’établis, aux grosses paluches pleines de sciure, les pieds foulant les copeaux, façonnaient leurs ouvrages.
Là, est née l’envie et l’attirance pour cette corporation.
L’école finie, c’est vêtu de mes premières salopettes que j’entrepris mon apprentissage d’ébéniste. Quatre ans furent nécessaire pour l’obtention du précieux césame qui me fis entrer dans le monde professionnel. Cela ne suffit pas à mon envie de réussir et après, les meubles et les agencements, c’est vers la menuiserie avec son monde de portes et de fenêtres et autres lamages que je réussis mon apprentissage de menuisier.
Mais voilà, il me semblait que l’essentiel manquait à ma panoplie. Le mot artisan traversa mon esprit. Un autre monde et d’autres pratiques, introuvable dans les entreprises de mon canton. C’est pour cela que je me suis expatrié en Vaudoiserie et, plus tard, pour parfaire mon allemand, je suis allé de l’autre côté de la barrière de Rösti.
Malgrès cela, je n’ai pas trouvé ce plaisir de créer de mes mains et de mes idées le potentiel qui sommeillait en moi. Au travers de la presse et de certains dimanches, les marchés artisannaux m’ont permis d’ouvrir mon horizon créatif. A grand coups de rabot de scie et de sueur, de matins très tôt par n’importe quel temps et avalant les kilomètres de bitume, j’étallais mes oeuvres.
C’est dans la poussière et les greniers, dans les caves sans lumière que petit à petit, en fouillant, je mis à jour plein
d’objets du temps passé. L’univers de la brocante, avec ces hommes et ces femmes au caractère bien trempé, qui, de la voix et du geste théâtral, donnait vie au quidam de la ferraille devenu or et majesté.
Aujourd’hui en repensant à mon parcours semé de satisfaction et de désilusion, comme il me reste encore quelques années de labeur, ma boîte à outil, qui semble me faire un clin d’oeil comme pour me dire de continuer mon chemin et de laisser libre cours à mes idées de Gepeto et de Pinocchio.
Finalement, dans ce monde boulversé et en rupture, serait-ce le moment opportun d’intéresser et de montrer à quel point il est vital de ne pas oublier le temps des bâtiseurs ? De ce patrimoine qui disparait au profit d’une certaine intelligence « art… ti… fils… ciel » ???